Acquis de confiance, chose rarement facilement à obtenir pour un fixer qui n'est certes pas le plus exigeant, mais n'est pas non plus le plus laxiste. Facile de marcher sur tes limites tant elles peuvent parfois extrêmement floues, dépendantes d'une personne à d'autre, d'une situation à une autre. Tu n'as pas un barème rédigé dans le crâne, pas un barème généralisé qu'il serait facile d'appliquer au pif au premier inconnu du coin qui passe. Non.
Ce serait trop simple, ce serait injuste aussi. Et c'est peut-être ce qui fait de toi un fixer différent des autres. Parce que tu prends chaque cas de façon différente, avec des codes qui, certes, se rassemblent et se ressemblent de l'un à l'autre, mais chaque personne est triée différemment. Codification nécessaire, classification essentielle à ce que tu ne perdes pas la boule et surtout, que tu ne te fasses pas marcher dessus en ayant tendue la main un peu trop loin.
Trop facile de tendre la main et de se faire bouffer le bras, dans une ville où les clébards affamés, il y en a à tous les coins de rue. Plus jeune, plus naïf, dans tes premières heures à Night City, dans cette indépendance tant cherchée après des années chez les Sonorans, tu n'avais pas tardé à te foutre le nez dans la farine, te retrouver à aider quelqu'un pour finir la gueule en sang quelques heures plus tard. Une chance que tu ne te sois pas fait volé ce que tu avais sur toi, tes implants.
Une chance qu'une prostituée de Watson soit là pour te récupérer et te relever. Une chance que tu sois tombée sur elle plutôt qu'un Scav qui en aurait voulu pour plus que les quelques eurodollars dans ta poche. Il y avait tout un monde derrière les murs d'un immeuble où chaque coin de rue pouvait être un coupe gorge potentiel, tu en étais conscient. C'est pour ça que tu sortais jamais sans ton fidèle pistolet et un kukri. Un moyen de se défendre, de te protéger, de protéger les tiens, aussi.
Donner sa confiance, à Night City, c'était comme déjà perdre un peu de ce bras tendu. Mais sans faire confiance à qui que ce soit, on finissait dans la paranoïa et tu comptais pas t'y laisser à ce jeu là. Faire confiance, c'était accepter de ne pas regarder ses arrières en permanence, mais c'était aussi savoir que quelqu'un regarderait pour toi, pour peu qu'il ne s'agissait pas d'une trahison en devenir. Acquérir ta confiance était plus compliquée qu'on pouvait le croire à ton grand sourire et tes yeux chauds.
Mais tu la donnais à Akiro. Un sourire aux lèvres, un peu de fierté dans la poitrine, l'envie de le voir évoluer au delà des conneries qu'il a déjà faite. Sincère envie qu'il décolle, que cette deuxième chance ne soit pas pour rien. Une chance, peut-être, aussi, de réparer les torts faits aux Sonorans. Protéger deux camps à la fois, comme un jeu d'échecs à double mesure. Le merci qui atteint ton holo te fait sourire, doucement, avant que tu ne finisses par t'adosser à un bac à fleurs, caché de potentiels ennemis par en face, et pouvant te reposer un instant.
J'te fais confiance.
Envoyé par holo. Double sens connu, inscrit en lettres synthétiques. Il sait, il sait qu'il n'y aura pas de troisièmes chances, que tu n'en donneras plus si il foire. Mais tu veux croire, tu veux croire qu'il va gérer, que ça va se passer comme prévu. Certain qu'il a compris, cette fois, que ce qui a été échangé sur le trottoir a eu un impact positif, impactant sur lui, qu'il refera pas les mêmes erreurs. Les yeux levés au plafond, tu espères, tu espères sincèrement pas te planter sur ce coup là.
Parce qu'il n'y aura plus de pardon, après ça.
Il n'y aura plus d'excuses.
Il n'y aura plus de chances.
Tout a été accordé, tu as donné tout ce que tu pouvais, mais un énième pas en arrière et tu prendras les tiens, tu prendras ta protection et ton bouclier loin de ce gosse, même si ça te brisera le cœur, même si ça te laissera acerbe, amer. Il le sait. Tu peux pas donner des chances par paquets de dix, sinon ta réputation ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui. Même si tu détestes cette compétition par la réputation, elle fait vivre tes employé·e·s, des gens qui ont besoin de ce salaire à la fin du mois, des mercs qui ont besoin de ces jobs parce que les autres les ont boudés.
Parce que c'est pas que pour toi.
C'est pour d'autres.
Ça l'a toujours été. L'Atlantis, le mythe, la légende, c'est du vent pour vendre malgré l'envie de faire revivre ce morceau de 2020 qui s'est perdu en 2079. La réalité, c'est le sanctuaire, c'est l'abris pour les gens qui en cherchent un, c'est un filet de sécurité quand le monde entier boude une vie. C'est une main tendue en espérant qu'on ne vienne pas te prendre le bras.
Confiance.
Un sourire passe sur tes lèvres quand la voix d'Akiro grésille tout contre ton oreille et que ton regard, instinctivement, se dirige vers la porte. Tu pouffes sans mal à la mention des Santiags.
C'est pas si démodé que ça, t'sais. Et ça se vend à prix d'or.
Produit d'une autre cité état, ou d'un état libre, plutôt. Le Texas et sa coutume du far west cowboy, marché qui s'est exporté à l'international. Tu sais pas pourquoi tu te fixes là dessus, mais ton attention revient quand les éléments sont démontrés pour ce qui en ait du layeout des gens qui sont à l'intérieur. Du reste de la mission. Focus.
Ça fait du peuple, putain.
Et ça t'arrange pas. Parce que vous manquez de grenades pour confectionner quelque chose qui pourrait faire mal. Ton regard tombe sur ton fusil alors que le silence se prolonge pendant un instant. La mention du store te fait relever la tête à nouveau, les lèvres mordues.
Okay. Rentre pas encore, okay, reste là où tu es si c'est safe.
Toujours la priorité à la sécurité, jamais mettre quelqu'un en danger inutilement. S'il est safe là où il est, qu'il y reste. Vu le nombre de gorilles à l'intérieur, y'a tout intérêt à être vigilant selon toi. Réfléchir vite, réfléchir calmement, mêler les deux sans avoir l'impression de perdre un morceau de ta tête. La migraine est déjà en fond dans le bas de tes tempes.
Fouille la terrasse, regarde si y'a pas des grenades qui traînent, on pourrait en avoir besoin.
Tu te lèves en même temps, traverse un peu le couloir pour revenir sur les machines abandonnées, te penche pour essayer de trouver quelque chose, n'importe quoi qui puisse faire un impact. Difficile, sur ces vieilles carcasses qui ne sont que synthétiques et câbles.
Est-ce que, de là où tu es, tu vois d'autres issues? Faudrait pas que cette conne se barre.
Manquerait plus que ça. Cible en priorité secondaire, d'abord ton merc qui est trop loin pour que tu puisses assurer ses arrières parfaitement.
Si tu peux hacker, trouve un point d'entrée pour checker la sécurité intérieure. Tourelles, ce genre de merdes.