C'est l'histoire de deux anxieux qui rentrent dans une laverie... Il fallait dire, qu'à ce stade, difficile de dire qui de l'un ou de l'autre allait s'excuser le plus, et bien que Caden était naturellement bon à ce jeu, il venait de trouver une adversaire visiblement à sa taille.

Toujours mal à l'aise et ne sachant pas franchement où se mettre, Caden attendit la suite, la main agrippée nerveusement au bord de sa veste. "Ca ira merci." Répondit il dans un premier temps avec une mine désolée, une de plus. Planté là à l'écouter, Caden ne sembla pas bien comprendre dans quelle direction allait leur discussion lorsqu'elle cita le fameux bonnet, plissant le regard lorsque la demoiselle se reprit deux fois de suite sur le verbe à employer le concernant. Pour être un habitué des signes traduisant le stress, Caden se sentit empathique envers la jeune fille, il ne comprenait pas pourquoi un bonnet la mettait dans des états pareils mais il n'allait pas juger et encore moins la brusquer. C'était bête mais combien de fois avait il perdu ses moyens face à quelqu'un sans aucune raison foncièrement logique ? Bien trop. Alors face à quelqu'un qui semblait éprouver des difficultés similaire, il compatissait, forcément. "Je... Je vous le promets oui ?" Répondit il, sans perdre son expression de 'je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe, mais pourquoi pas'.

Ce fut donc dans cette incompréhension que Caden se décida à finalement s'asseoir sur l'une des chaises disponibles. Il n'y avait visiblement rien de dangereux dans cette arrière boutique, juste une jeune fille presque plus mal à l'aise que lui. Un peu rassuré et préférant de toute manière favoriser le bien être de son hôte plutôt que le sien, Caden tenta donc de la mettre dans les meilleures conditions. De cette manière, il n'était plus là à juste la fixer depuis son mètre 87, il espérait aussi faire comprendre qu'il n'était pas particulièrement pressé, qu'elle pouvait prendre son temps pour retrouver ses mots. "Si.. hum, si ça peut vous rassurer... ce n'est pas très grave si je ne récupère pas ce bonnet..." Tenta t'il en prime avec un petit sourire qui se voulait rassurant. Bon, certes il aurait bien aimé récupérer l'une des quelques rares affaires qui datait d'avant le tsunami mais ça restait un bonnet. Il avait pleuré ses plantes vertes emportées par les eaux ainsi que certains petits souvenirs datant de son enfance, mais le bonnet lui n'en faisait pas spécialement parti. Quoi que bon, de mémoire, c'était vrai qu'il était tricoté maison mais il s'agissait d'un petit détail... Mieux ne fallait il pas le préciser, son but n'étant pas d'en rajouter une couche sur la gêne de la jeune femme.

Est ce que Caden comprenait ? Non. Absolument pas.

Ce n'était pourtant pas faute de ne pas l'avoir écouté, au contraire il était resté attentif et patient le long de ses explications et pourtant... Pourtant si on voulait définir 'l'incompréhension' il suffisait de mettre une photo du visage de Caden pour le faire.

"Vous avez pris mon bonnet ?" Tenta t'il, comme pour récapituler ce qu'elle venait de lui raconter, espérant que le dire à voix haute allait l'aider à comprendre. Il avait bien saisi que le fameux bonnet était en sa possession, mais ce qu'il ne comprenait pas résidait dans le 'pourquoi ?'. N'avait elle pas précisé un peu plus tôt qu'il ne l'avait pas perdu ?

L'ancien agent d'entretien commença à additionner tout ce bric à brac d'informations, avec un résultat qui le fit glousser. "Vous m'avez volé mon bonnet ?" Tenta t'il une seconde fois en se retenant de trop en rire. Ce n'était pas pour se moquer mais la situation était absurde et si bon enfant ? Était ce le bon terme ? Bien entendu se faire voler quelque chose n'était pas si commun, quoi qu'à Night City, peut-être que si. Mais il s'agissait d'un simple bonnet, il n'y avait pas mort d'homme, il n'y avait pas de réels préjudices. Qui plus est, la jeune femme avait avoué son "crime" et affirmait qu'elle allait lui rendre son bien. Plus Caden y pensait plus cela le fit sincèrement rire. "Pardon, ce n'est pas contre vous, mais je ne m'y attendais pas." Un nouveau petit gloussement le coupa dans son envie de poser plus d'une question. "Pourquoi me l'avouer ?" Demanda t'il en calmant légèrement, bien que toujours très amusé face à la situation. Quel âge avait la jeune femme ? La jeune trentaine ? Peut-être moins ? Caden n'était pas bien sur, mais il avait néanmoins cette impression de déjà vu. Il avait baby-sitté les enfants de ses voisins, il avait eu le rôle du grand frère, celui à qui on avoue ses bêtises avec appréhension. La situation actuelle n'était pas si différente, il n'allait pas infantiliser la jeune femme, mais il resta légèrement attendrit par cette culpabilité flagrante. Il était rare de croiser de bonnes âmes dans cette ville, cela surprenait toujours et arrachait toujours un sourire.

Il fallait qu'il arrête d'en rire, malgré combien la situation était comique et légèrement grotesque, Caden comprit bien vite qu'il fallait qu'il se calme. Même s'il avait précisé que ce n'était pas pour se moquer, cela ne suffisait pas. C'était logique et voir Sophie aussi mal à l'aise eut l'effet d'assez rapidement le calmer.

Alors que ses rires laissèrent place à un petit sourire, Caden l'écouta gentiment se confesser. Il ne voulait pas paraitre insensible ou impoli mais mieux fallait il lui faire comprendre qu'il commençait à retrouver les pièces du puzzle et que très franchement il ne lui en voulait pas.

"Fière ou non, ne vous culpabilisez pas pour cela s'il vous plait." Tenta t'il avec un petit air qui se voulait rassurant, son sourire amusé ayant laissé place à une expression un peu plus bienveillante. Il ne voulait pas être une cause, même indirecte, du mal être de la jeune femme, bien trop anxieux au quotidien, faire subir ce type de sentiment à autrui était bien la dernière chose que Caden souhaitait. "Vous l'avez dis vous même, c'était plus fort que vous. Il s'agit de... cleptomanie ?" Il n'avait jamais croisé qui que ce soit avec ce trouble, mais Caden connaissait néanmoins le principe de cette manie assez connue du grand publique. "Pardon si le terme est trop direct, je ne cherche pas du tout à vous juger, je tente juste de bien comprendre." Rajouta t'il assez rapidement, la mine déjà désolé d'avoir potentiellement mis les pieds dans le plat. Peut-être était il maladroit, cela lui arrivait assez souvent l'être, en particulier lorsqu'il s'agissait de s'exprimer.

"Dans tous les cas, je vous remercie pour votre franchise, ce... cela ne semble pas avoir été facile et si cela peut vous aider, sachez que vous êtes déjà pardonnée. D'autant plus que vous m'avez aidé à plier mon linge, vous pouvez considérer votre vol remboursé." Ses mots, bien qu'un peu nerveux, furent accompagnés de ce même sourire, entre amusement et envie d'en rire, juste histoire d'en décompresser. Caden n'était d'ailleurs pas très subtil, il était facile de voir qu'il essayait tant bien que de mal de retirer un peu de poids des épaules de l'ancienne infirmière.

Maladroit dans ses mots et dans sa façon d'être, Caden avait l'impression de marcher sur des œufs. La grimace lui fit penser qu'il avait fait un faux pas alors que la suite n'aida pas. Bien entendu qu'il se sentait un peu coupable, ses mots avaient créé un léger malaise, comme si cette salle n'en n'était pas déjà inondée.

Toujours à l'écoute avec cette gentillesse aux lèvres, Caden évita de trop rebondir sur le délit de la jeune femme, estimant qu'il fallait peut être mieux se concentrer sur la suite. "Avec plaisir." Répondit il avec un petit mouvement de menton approbatif.

"Vous disiez qu'il était chez vous c'est bien ça ?" Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, il était presque sur que Sophie avait glissé cette information lorsqu'elle avait bégayé un peu plus tôt.  "Si cela vous convient, je peux vous donner mon adresse, vous n'aurez qu'a l'envoyer via un service de livraison ou me le déposer si un jour vous prévoyez de passer dans le quartier." Il ne se voyait pas la suivre jusqu'à chez elle, cela ne lui semblait simplement pas correct. Peut-être se faisait il des films pour peu. Il était juste inquiet à l'idée de s'imposer à son domicile, à connaitre ce genre d'informations privée de ce type, mais peut-être était ce des résidus d'habitudes de toutes ces années à bien attention à se mêler de ses affaires plutôt qu'à celles des autres.

"J'habite à  Westbrook, pas loin de Japantown. Mon appartement est au dessus d'un bar nommé l'Atlantis ouvert au public, je ne sais pas trop si l'endroit vous parle, mais si jamais, vous n'aurez qu'a le déposer au bar en précisant de le transmettre à Caden." Proposa t'il un peu maladroitement, comme inquiet de franchir des lignes invisibles. "Ce n'est qu'une proposition, si vous préférez que je repasse ici le prendre, je peux... c'est juste que... je ne viens plus trop à Heywood ces derniers temps, j'y passais après le travail avant mais hum... vu que je ne travaille plus... par ici et bien... c'est assez rare que j'y passe. Tout ça pour dire que je peux... c'est juste que ce ne sera pas tout de suite, tout de suite." Son explication était nerveuse, et pour cause, Caden n'avait ni envie d'avouer que sortir hors de chez lui était encore une épreuve, ni de parler de ce travail qu'il avait perdu suite à l'accident.