Le menton qui opina au du nom de répété, Caden fut assez surpris de la réaction. Comme quoi le monde était petit.

Et si les deux premiers noms lui volèrent un peu sourire amusé, le dernier, celui sur lequel Sophie insista, fit plutôt froncer les sourcils de l'ancien éboueur. "Euuuh, Jasmin vous dites ?" Ce prénom ne lui évoqua rien, il tenta de faire fonctionner sa mémoire, le regard fixe sur la table qui les séparait et son expression traduisant combien il faisait fonctionner ses méninges. "Je connais bien Ben et Zola mais... je ne crois pas avoir déjà entendu ce prénom désolé. Mais c'est peut être ma faute, je ne connais pas tous les alias de tout le monde..." S'excusa t'il presque en reportant finalement son attention sur la jeune femme. "C'est amusant en tout cas que vous connaissiez l'endroit." Ses mots marqués d'un petit sourire, Caden apprécia trouver un petit point commun qui pouvait les relier, cela permettait de rendre l'échange un peu moins formel.

Un peu rassuré de ne pas devoir s'aventurer plus que nécessaire en ville, Caden partagea un petit sourire mi reconnaissant mi désolé. "C'est gentil... Vous pourrez du coup confier le bonnet à Ben si je ne suis pas là... ou alors lui demander de m'envoyer un message pour que je descende le récupérer en mains propres." Il n'était pas un grand fan de côtoyer le club pendant ses heures d'ouverture à cause de la foule potentielle que ce dernier pouvait engendrer, mais il pouvait bien faire l'effort le temps d'une transaction de bonnet...

Aux nouvelles excuses, Caden commença franchement à sympathiser pour la jeune femme, non pas que son empathie avait été mise en vieille depuis le début de leur conversation, mais face à autant d'excuses, Caden commençait presque à en être gêné. "Comme je vous l'ai dis je ne vous en tiens pas rigueur, essayez de ne pas trop vous en culpabiliser et pour tout à l'heure ce n'est rien... vous ne pouviez pas savoir... C'est moi qui m'excuse d'ailleurs, j'étais nerveux pour pas grand chose, ce n'est vraiment pas propre à vous ou à la façon dont vous avez tourné la chose... c'est juste..." Il expira sans trop savoir comment formuler cela sans lui balancer un bagage aussi émotionnel que personnel au visage. "... je suis un peu plus sur mes gardes depuis que... enfin..." Un petit rire nerveux l'interrompit un petit instant, avant qu'il n'expire profondément pour se faire violence et partager le fond de sa pensée. "... ce que je cherche à dire c'est que je prends facilement... peur et donc... ce n'est pas votre faute, vraiment pas votre faute."

HRP:

Un serveur ? Sur le papier, Caden aurait bien aimé dire qu'en effet il ne connaissait pas tout le staff de l'Atlantis... mais il s'agissait d'un mensonge, surtout concernant les postes liés à la zone publique de l'endroit. Pensif, ce fut après quelques secondes de réflexions que l'amputé eut un déclic. "Attendez, est ce que vous parlez de Jazz ?" Questionna t'il sans être vraiment sur de son intuition, c'était peut-être un peu facile de lier Jazz à Jasmin juste à cause de la sonorité mais qui sait ? Des fois il ne fallait pas chercher trop loin.

"Oh euh... Zola est un ami oui... l'Atlantis a quelques chambres, j'occupe l'une d'entre elles... c'est comme ça que j'ai sympathisé avec Ben... mais ils n'habitent pas sur place, je les vois surtout entre les heures d'ouvertures, ou quand ils ont besoin d'une petite main en plus... non pas que je sois le candidat le plus rêvé de la ville..." Ironisa t'il en jetant un coup d'œil à sa manche vide. "... mais c'est arrivé." Sa phrase se termina dans un petit rire un peu gêné, rire de son handicap était une prouesse que Caden arrivait à faire uniquement depuis quelques semaines.

Attentif à la suite et un peu surpris de la précision, car il fallait dire qu'il n'y avait même pas pensé, Caden hésita un très court instant. "Hum... je vois ce que vous voulez dire oui, pas de soucis." Répondit il néanmoins en se reprenant, cela l'arrangeait presque, lui permettant d'éviter le bar pendant les heures d'ouvertures. Il avait beau vivre à l'Atlantis, Caden n'avait jamais été un vrai client du lieu.

Mais si ce point eut raison de légèrement l'étonner, ce fut le commentaire qui suivit qui laissa Caden avec un drôle de sentiment. Cette idée que ce n'était pas sa faute, qu'il n'avait pas s'excuser d'avoir peur. Il la fixa quelques secondes, incrédule. Pourquoi une telle phrase le bousculait autant ? Caden n'en avait aucune idée, mais il sentit sa gorge se serrer et son regard fuir le sien pour plutôt regarder cette main qui s'était un peu rapprochée. Elle touchait des cordes sensibles, pointant des vérités que Caden n'arrivait pas à s'accorder, trop souvent trop dur avec lui même pour le faire. Il déglutit et se força à se reprendre et se concentrer sur les mots de Sophie plutôt que sur ses propres pensées. Une stratégie qui porta ses fruits et pour cause, Caden l'avait suivi dans ce petit rire. "C'était un peu comme demander à quelqu'un de ne surtout pas penser à un éléphant c'est vrai." Commenta t'il en gloussant gentiment pour inonder le reste de ces émotions plus profondes qui avaient osé remonter et qui ne semblaient pas vouloir le lâcher. "Mais pour votre gouverne, ce n'était pas comme si vous aviez eu beaucoup d'options." Les émotions étaient toujours là, elles lui piquaient les yeux alors que son rire avait laissé place à quelque chose de plus fragile et plus étranglé. "Vous..." Il hésita, son regard toujours très loin du sien et sa main venant masser sa clavicule comme si cela allait aider à faire disparaitre ce poids qui s'était posé là. "Vous... semblez être quelqu'un de bien Sophie... j'ai conscience de ne pas vraiment vous connaitre, mais... je tenais à vous le dire... navré si cela sonne comme déplacé... ce n'est vraiment pas mon attention..."

Cela avait toujours été comme ça, à sens unique, toujours plus facile de sortir les compliments que de les recevoir. Malgré son sourire, malgré cette gêne timide, les mots de la jeune femme ne furent que de passage dans l'esprit de l'anxieux de service. C'était à croire qu'à force de trop donner d'estime à autrui, il n'en restait jamais assez pour sa propre personne.

Loin d'être assez à l'aise pour rebondir sur ce qu'il pouvait être, cette pseudo bonté qui était censée l'habiter, Caden préféra enchainer, n'échangeant qu'un bref sourire de remerciement avant de s'intéresser à un élément qu'elle avait cité. "Nightcity..." Pointa t'il dans une légère plaisanterie, car face à la violence de cette ville mieux fallait il réussir à en rire. "Surement pas la ville la plus polie... Non pas que je saurais vraiment comparer mais je pense que vous voyez ce que je veux dire..." Rajouta t'il avec ce même petit rire discret, toujours aussi timide. "Mais si vous connaissez Ben et Zola, c'est que vous avez au moins deux autres personnes à citer pour ce qui est d'avoir un bon fond." Surement l'une des raisons principales qui avait permit à Caden d'encore se permettre de vivre à leurs frais. Une dette plus lourde que celle que les huissiers lui réclamaient.

"Cela vous dérange si nous... ?" Il avait terminé sa phrase d'un petit regard en direction de la laverie, là où son ligne était toujours aussi étalé et à la porté du premier venu. "Non pas que notre discussion me dérange bien sur, c'est juste que- mon linge traine et-." Caden laissa son regard de voiler une seconde, fuyant celui de Sophie avant de déglutir et reprendre. "J'aimerai juste éviter de rentrer trop tard." Un amputé avec un gros sac bien rempli ? Il ne fallait pas être parano pour déjà s'en inquiéter. Autant dire que l'ancien agent d'entretien redoutait déjà ce trajet, entre les rues et le métro, il anticipait déjà, réveillant de vieilles angoisses, cette tension et crainte de se faire appréhender. Comme à chaque fois qu'il sortait désormais, ses sens restaient bloqués en hypervigilance, réactifs au moindre bruit, au moindre mouvement un peu trop rapide, ses muscles contractés, prêts à le faire détaler.

Une proie dans un océan de requins, avec cette désagréable sensation d'avoir une nageoire atrophiée. C'était peut être ça la comparaison en fin de compte, Caden n'était peut être pas Bambi mais plutôt Nemo, avec le courage en moins du moins.