La tête penchée sur le côté, petit sourire et les yeux qui se ferment une seconde, un
de rien silencieux qui sera compris sans trop de mal, en réponse aux multiples merci donnés par Zacarias. Il y a des mots, de ce langage corporel, qui ne trompent pas, qui s'entendent qu'importe l'interlocuteur en face, et c'est le cas avec Zac. Peut-être aussi parce, quelque part, tu sais que vous êtes similaires dans vos façon de faire, et d'être. Tu ne le connais pas assez pour connaître l'intensité complète de sa personne, mais tu l'as vu suffisamment au camp pour savoir que vous avez ce même rayon, ce même rayonnement au milieu des gens. Les médiateurs, les canalisateurs, les diplomates, de ceux qui tissent les liens entre les autres. Qui gardent la paix, d'une manière ou d'une autre, dans vos familles dysfonctionnelles, dans vos univers respectifs, dans la poussière ou sur le bitume.
L'annonce de mauvaises nouvelles, tu l'as sens venir, et pas uniquement parce qu'il te met directement dans le bain, t'annonce une couleur que tu sens être plus froide que chaude. Ce n'est pas juste une visite de courtoisie, c'est un message à amener, c'est l'oiseau de mauvaise augure même s'il n'en porte aucun des traits et tu ne le considéreras jamais comme tel. Mais tu connais le poids des mauvaises nouvelles, et d'être celui à les transmettre, tu sais la pression de ces dernières quand le monde entier semble être sur le point de ployer contre la force des éléments. Il n'est pas un oiseau de mauvais augure, mais il porte sur son dos le poids de mois de silence et d'obscurité, de mauvaises nouvelles que tu t'es gardé de figurer ou d'imaginer pendant que tu régnais dans le silence.
Le cul sec était autant un indicateur que ses mots, et tu remplis ton propre verre avant de prendre un cul sec avec cette même inquiétude qui traîne et se languit dans ton estomac. Les mauvaises nouvelles, tu sais les gérer, tu sais comment les prendre, c'est ton rôle, c'est ton job. Avant même que tu aies l'âge de les prendre, d'avoir leur responsabilité, tu les tenais déjà, pour tes sœurs. Ça n'avait pas changé avec les années. Quand Ben avait fait sa tentative de suicide, tu avais pris sur toi pour être là pour lui, t'autorisant à craquer uniquement quand le silence t'enveloppait et qu'il n'y avait pas de regards curieux pour se poser sur toi, si ce n'est les siens, quand tu savais que la vague était passée.
Quand Ezra a perdu son accès au réseau, quand le réseau tout entier a ployé sous la force d'une entité inconnue, tu as été là, sans bouger, sans ployer malgré la dureté de la situation. Tu n'as pas bougé, tu es resté vers lui jusqu'à ce que tu sentes ta propre psyché sur le point de s'effondrer. Mais tu serais resté, tu aurais continué d'être là, d'être le pilier qu'il avait besoin que tu sois. Jusqu'à ce que ça finisse par te détruire, s'il le fallait. C'était ce que tu étais prêt à faire pour les gens que tu aimais, être celui qui vacille pas, celui qui tient la barre jusqu'à ce que tes propres crocs saignent. On t'avais pris ce choix quand tu étais encore qu'un enfant, d'être cette personne là, mais c'était désormais un choix que tu prenais consciemment.
Pour autant, rien ne pouvait présager la densité des nouvelles apportées par Zac, ce qui te poussa, à un moment donné dans son récit, à t'installer sur un des hauts tabourets qui traînaient de l'autre côté du bar, les épaules affaissées un instant, mais le regard qui s'essayait à rester résilient, tempéré. Tout allait bien, maintenant, il te l'avait dit. Tout ce qui était mentionné était déjà de l'histoire ancienne, ce n'était que pour te mettre au courant. Tout ce silence que tu imaginais être dû aux emmerdes qui trempaient autour du camp n'était pas uniquement ça.
Le soupir qui passa tes lèvres quand les dernières paroles passèrent les lèvres de Zac en disait long sur l'impact des nouvelles, sur le cœur lourd que tu portais dans ta poitrine, seulement allégé par la certitude que visiblement, tout le monde allait bien désormais. Aussi bien que possible. Tes deux mains passèrent sur ton visage, essayant de détendre tes traits qui s'étaient figés un instant, dans l'inquiétude et la peur aux nouvelles, dans l'impact de chaque mots, dans l'impact de chaque putain de nouvelles. La suivante toujours pire que la précédente.
C'était difficile, pour toi, d'être aussi éloigné du camp. Tu n'étais plus un membre stationnaire depuis longtemps, mais tu étais toujours un membre de la famille à ta façon, et avoir des nouvelles de la sorte... C'était juste terrifiant. Tu savais que c'était la merde au camp, tu en étais conscient, on t'avait prévenu de rester à l'écart pour le moment. L'apprendre, et surtout, apprendre l'intensité de la merde, c'était autre chose. C'était crève-cœur. Tu voulais pas assister à de nouvelles funérailles, surtout après celles de Davy, et apprendre que non seulement Zac mais aussi Jude avaient failli y passer, voir peut-être Rook aussi, c'était un gouffre sans fond.
Fucking hell.Fucking hell.
Cul sec à nouveau, et un autre qui suit sans plus de cérémonie, sans plus que quelques secondes supplémentaires entre chaque. Tu as bien besoin de la brûlure de l'alcool pour te remettre un peu plus, retrouver tes épaules solides, tes deux pieds ancrés dans le sol. Tu étais plus fragile que d'habitude, tu le savais, et cette vulnérabilité était aussi sensible que tes phalanges serrées sur le verre que tes yeux qui se fixaient sur Zac, trouvant un réconfort dans son sourire, miroir du tien qui venait d'apparaître, plus timide.
When y'all told me to stay away from camp, I knew it was bad, but bad like this? I couldn't have figured it out all by myself.Quand vous m'avez tous dit de rester loin du camp, je savais que c'était la merde, mais autant que ça? J'aurai pas pu le deviner moi-même.
Sans que tu te rendes compte, il y a une petite pincée au cœur de te dire que tu ne verras plus la bouille de Nathan dans le bar, à jouer sur la banquette à côté de toi lorsque tu étais de mission de babysitting pour Cole. Une main dans les cheveux, une glace volée dans les stocks de la cuisine de l'Atlantis, sa tête contre ta cuisse quand il finissait par s'endormir avec un doudou entre les bras. Plus de petites voitures en plastique à lui acheter, non plus.
So, Cole is gone, with Nathan I presume. I hope he'll find her, he deserves that.Donc, Cole est parti, avec Nathan je présume. J'espère qu'il la trouvera, il mérite ça.
Conscient qu'il la cherchait, tu l'avais accompagné à la recherche d'informations, au mois de mai de l'année précédente. Ton attention retombe sur le reste, essaye d'éviter la sensation de perte dans ta poitrine, bien vite remplacée par cette espèce de hargne silencieuse à savoir que Zac et Jude avaient été attaqués et s'en étaient à peine sortis. Tu n'avais aucune idée de qui cherchait des noises aux Aldecaldos, ce n'était pas faute d'avoir des yeux là où tu pouvais à la recherche d'informations, mais à chaque fois... la piste tombait froide.
You and Jude were attacked, here on Night City ground? or in the badlands? What the fuck happened?Jude et toi avaient été attaqués, ici sur le sol de Night City? ou dans les badlands? Q'est-ce qu'il s'est putain de passer?
Question qui demeure en suspens, parce qu'il n'a pas donné de détails, si ce n'est ce qu'il en était de ce que tu comprenais être un coma, pour Jude.
And you were all attacked at camp. Do you have any idea where that fucking corp was from?Et vous avez été attaqués au camp. Tu as une idée d'où venait ce putain de corpo?
Mépris évident pour le corporatif dans la façon dont tes lèvres se ferment, dans ta voix qui se fait presque sifflante. C'est une chose de vivre entouré de corpos, il en est une autre quand il s'agit d'être attaqués par ces derniers, loin de leurs tours rutilantes. Il en était encore une autre quand ils venaient attaquer ta famille. Tu regrettais d'être au courant seulement maintenant, même si tu pouvais clairement entendre l'usage de la précaution au vu de l'état de Jude et de Zacarias après cet évènement. Deux personnes down, c'est déjà trop. Mais tu regrettais d'être au courant seulement maintenant, tu aurais pu dénicher des traces, des pistes, si tu avais été mis au courant plus tôt.
As you probably know, and I don't know if you were here to ask me something around that now, but my hands are pretty much tied if you want me to take a look at who attacked you and Jude. Without any network, it'll be tough as hell to find any clues.Comme tu le sais probablement, et je sais pas si tu es là pour me demander quelque chose à propos de ça, mais mes poignets sont liés si tu veux que je jettes un oeil quant à qui vous a attaqué, toi et Jude. Sans réseau, ce sera un putain d'enfer de trouver des infos.
Et ça t'emmerde, ça t'emmerde tellement d'être impuissant de la sorte, de pas pouvoir donner un minimum à Zacarias de ce côté là, même s'il ne l'a pas demandé. Peut-être qu'ils savaient que tu allais chercher, peut-être t'attirer des problèmes aussi, à ce moment là, et que c'était pour ça que tu avais été écarté du camp. Bah, t'en savais rien, et ruminer sur le pourquoi du comment ne faisait pas de sens.
Well- can't say I don't understand Jude's mess. I'm living with a netrunner who- really doesn't like how he's feeling right now.Well- je peux pas dire que je comprends pas l'état de Jude. Je vis avec un netrunner qui- n'aime vraiment pas comment il se sent maintenant.
C'était une évidence, après tout. Tout netrunner dans cette foutue ville, avec le manque de réseau, était comme un funambule prêt à tomber du fil sur lequel il était. Tu ne voulais pas tant d'étendre sur le sujet, préférant juste mentionner que tu comprenais, parce que vivre avec netrunner en manque, Zacarias était sensiblement calé sur le sujet.
I'm- so glad to know you're both fine, though. I know we don't know each other very well, but- I'm really glad you're okay.Je suis- super rassuré de savoir que vous allez tous les deux bien. Je sais qu'on se connaît pas tellement mais- je suis vraiment content que tu sois okay.
Parce que c'est pas rien de passer à côté de la mort. Tu l'avais déjà fait, des années auparavant, parce que ton métier ne venait pas sans risques, ne venait pas sans ce pourcentage potentiel de mort probable. Tu savais ce que ça faisait d'y perdre un peu au change. Savoir qu'il allait bien, lui et Jude, était un réel soulagement.
But fuck- those news Zac. They ain't fucking light.Mais merde- ces news, Zac. Elles sont pas putain de légères.
La main attrape de nouveau la tequila, remplit ton verre descendu à la suite de tes paroles, pour prendre un nouveau shot qui vient brûler un peu ta gorge, mais de la meilleure des manières.
Please tell me you have at least ONE good news - other than you surviving, even if it's one - before we drift off on business shit, or I might just finish that bottle on my own.S'il te plaît, dis moi que tu as au moi UNE bonne - outre votre survie, c'en est une - avant qu'on drift sur du business, ou il se peut que je finisse cette bouteille tout seul.
Mais le sourire est déjà de retour, léger, plus simple, parce que maintenant que l'orage est passé, il n'en reste que les conséquences, et le principal est là : ils vont bien, les deux. Le camp va bien. L'orage est passé et les nuages s'estompent un peu, même si la menace reste et demeure réelle, brûle quand même quelque part dans le ciel.