Elle est en retard - combinaison foireuse d'une sieste tardive et de la période d'accoutumance à ses nouveaux médicaments. Pourtant elle s'arrête, quand elle entend frapper à sa porte. Ce n'est pas censé arriver, ça.
Oh deer, yeux de biche écarquillés, plein phare sur ses peurs. Georgia a fait deux pas de côté pour se retrouver face à la porte d’entrée et la fixe - sans bouger. Sans rien dire. Pourtant son coeur galope et dérape, tente de fuir de sa cage - chose qu'elle serait pourtant bien incapable de faire, Georgia.
Il n’y a pas de Doll prévue aujourd’hui.
De Jaager n’a jamais pris la peine de s’annoncer.
L’autre non plus.
Juste … Reyes ?
Non. Non. Non, non, non, non, non, non, non, non, non, non.
Elle ne lui a jamais donné le numéro de son étage, ni celui de sa porte. Elle le sait ; elle ne l’a jamais donné. A personne. Si elle ne pouvait pas recevoir d’invités, personne n’avait à avoir cette information. C’était plus simple, pas de questions, pas d’explications à fournir. Et Georgia avait la sale impression que la moindre transgression serait notifiée à De Jaager. Même en absence de réseau.
Elle se force à respirer, combattre l’apnée qui l’avait saisie au premier coup asséné de l’autre côté de la porte. Pourrait prétendre ne pas être là. Stupide plan.
Georgia faisait confiance à Reyes pour la balader à travers la ville sur une moto. Et elle paniquait parce qu’iel se trouvait derrière sa porte. Bouge. Impulsion qu’elle tente de projeter à chacun de ses membres, chacune de ses cellules, avant d’enfin trouver le courage de sortir de sa léthargie.
You shouldn’t be here. You shouldn’t be here. How are you here ? Ce n’était pas des manières de dire bonjour - la musicienne se force à faire taire cette partition avant d’ouvrir la porte.

Elle se fait surprendre par le léger nuage de fumée qui l’attend, et il lui faut une seconde de trop pour revenir à l’instant présent. Est-ce qu’elle était prête ? A peu près. Hi Rey- I think so, yeah.
Et encore moins quand iel lui annonce à demi-mots les plans du jour. Contemple ses bras nus - en d'autres circonstances, elle n'aurait pas fait plus attention … mais elle n'était pas certaine de tous les effets secondaires de ses médicaments. OK, gimme a minute. Ferme la porte au nez de Reyes, appréciant le clic du verrouillage (ne rentre pas, ne rentre pas) avant de s'enfoncer dans les profondeurs de l'appartement.
Il n'y a pas de tenue adaptée pour une balade à moto en plein soleil dans la valise qu'elle a bouclé près d'un an auparavant. La combinaison sombre qu’elle porte a au moins l’avantage de ne pas être une robe. Et - elle n’a rien à mettre qui s’accorde un minimum à ça. Par dépit, elle enfile une veste à capuche - la seule qu’elle ait, au moins le choix est rapide - avant de revenir sur ses pas.

Georgia rouvre la porte quelques instants plus tard, dernières questions sur le bout des lèvres. Do we need to bring water ? Do you have some ?
Avant qu'elle n'ait le temps d’enfiler ses chaussures, Reyes l'interrompt, cherchant visiblement quelque chose dans l'une de ses poches. Georgia reste interdite face à l'éclat, bien loin d'imaginer un tel présent (prêt ?) de la part de saon guide du jour.
Il lui faut un moment pour réagir, pour apprécier l’ampleur de son geste. Wow, that’s … I have no words. Thank you so much ! Émotion trouant ses joues d’un sourire, alors qu’elle retourne l’écrin dans tous les sens pour l’observer. Se décale, quelques pas, pour pouvoir déposer l’objet sur une commode (ne rentre pas, ne rentre pas), quand elle entend son commentaire sur les brain dance. I don’t mind the old school. I’m sure it’s perfect. Les chaussures. La porte de l’appartement qui se ferme. Celle de l’ascenseur qui s’ouvre.

La panique est revenue quand elle a traversé le couloir. Georgia devrait se taire. Reyes ne savait pas - ça partait certainement d’une bonne intention. Elle devrait se taire, oui - mais lui dire était la seule chose qui passait dans son cerveau, en boucle en boucle en boucle. Elle n’arriverait pas à passer à autre chose tant que ça n’était pas réglé.
I hope you got a good look of my floor … because I don’t want to see you there ever again. Son ton est lourd, son visage fermé, son attention entièrement dirigée vers ellui. Mélange de peur, de peine, de panique. Unless I tell you otherwise. Is that clear ? Elle appréciait Reyes. Seulement, elle appréciait avoir un toit au-dessus de sa tête un peu plus. Peut-être qu’iel ne comprendrait pas, réclamerait des explications. Elle n’avait pas utilisé les bons mots ; mais c’était dit. Lae voir ici lui avait fait peur - ne voulait pas avoir peur d’ellui à nouveau.
Malheureusement … elle avait également une part de responsabilité-culpabilité. Sa tête et son regard plongent vers le sol. I’m sorry - I was also late. I wanted to wait for you downstairs. Le temps s’était bousculé d’une manière qu’elle n’avait pas anticipé, et elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. And - don’t get me wrong … I’m glad you’re here. And alive … I still can’t believe you gave me a shard. Did you spend all your week on that ? qu’elle finit par questionner, un peu plus légère.

D’un point de vue extérieur, d’un point de vue futur, rien de tout ceci n’a de sens. Puisque c’est exactement comme cela que fonctionne l'irrationalité : se faire une montagne d’un grain de sable dans son organisation. Georgia n’avait pas prévu que Reyes se pointe à son étage, à sa porte ; et elle s’imaginait déjà RR rentrer dans son appartement, De Jaager le savoir, et déjà devoir faire ses valises dans l’autre sens. Rapide, comme processus. Mais Georgia ne pouvait pas se permettre de perdre les grâces de son docteur, et ses inquiétudes avaient pris le pas sur tout le reste. En quelques coups à sa porte. Quelques secondes paralysantes.
Pris le pas sur ses bonnes manières, son calme, ses paroles. Si elle a tenté de mettre ses appréhensions de côté, c’était pour mieux les voir revenir mordre ses pieds une fois qu’elle est sortie de l’appartement. De quoi la bousculer, la faire flancher, emporter Reyes dans sa chute.
De la surprise qu’iel affiche, à la culpabilité qui se mêle à la sévérité dans ses tripes. Iel ne pouvait pas revenir, c’était une certitude, et le manque de réseau compliquait tout. Georgia comprenait, tout en ne pouvant l’exprimer, de peur de s’emmêler encore plus les pinceaux, s’excuser quinze fois, lui dire que c’était bon, que c’était pas grave - de finir par le regretter, plus tard. Elle opine du chef, se réconforte de ses mots et de ses excuses, avant de ne plus pouvoir tenir la tête droite. S’imposer ne lui venait plus aussi facilement qu’avant ; la voilà prête à succomber à ses peurs. Parce qu’elle se sait responsable, en partie du moins, de sa propre chute.
Thème récurrent.

Quelques minutes auparavant, elle aurait presque pu passer outre. A s’inquiéter pour trois fois rien, se demander si une bouteille d’eau était nécessaire, à admirer les dessins sur l’écrin et le ranger en sécurité dans les entrailles de l’appartement, à adapter sa tenue pour l’excursion à venir. Scène hachurée visuellement, à travers une porte qu’elle n’hésita pas à lui refermer au nez, et émotionnellement, la panique lui ayant laissé un temps de répit avant de revenir la submerger.
C’était donc la première chose qui ait traversé la barrière de ses lèvres. Des reproches ourlés de terreur, teintés de peur.
L’excision était nécessaire.
Pour ne pas que les non-dits ne viennent envenimer le reste de la journée, pour contenir les dommages. La compréhension de Reyes lui donne de quoi respirer un peu mieux, dans cette cage d’ascenseur, la promesse de ne pas revenir sans y être invité. Thank you, arrive-t-elle à articuler avant de changer finalement de sujet, appréciant tout de même sa présence et son cadeau - même si sa présence en elle-même en était un.
Georgia préférait ses trajets dans l’ascenseur solitaires. Mais, à choisir, elle préférait tout de même partager ce trajet avec Reyes plutôt qu’avec Melchior. Drôle de semaine. Sentiment amer presque similaire.

Georgia retient un sourire en l’écoutant la contredire au sujet de l’éclat. Elle apprécie l’objet plus qu’une liste, en effet, acquiesce doucement à ses propos. It’s kind of you anyway, to have done it. I’m definitely going to watch it … ‘cause I really don’t have much else to do anyway. Qui a dit qu’on ne pouvait pas survivre en ayant une bonne playlist à écouter ? Cela lui donnerait peut-être l’illusion d’être un peu moins seule, dans son grand appartement.
La malade se laisse surprendre par sa dernière question, se demandant un court instant si elle n’avait pas accepté de faire quelque chose de tel - subtiliser des médicaments pour le compte de Reyes. Au milieu de leur conversation de la semaine précédente ? Quand iels ne savaient pas encore dans quel état allait se trouver l’hôpital ? Désespérée, elle aurait pu dire oui à n’importe quoi.
Elle se trompait, néanmoins. Ce n’était pas si sérieux ; et un sourire amusé finit par barrer ses lèvres. Oh - you should’ve made me a list for that.
Quant au reste de sa semaine … il n’y avait pas grand-chose à dire. Comme le reste de la ville, Georgia se languissait du retour à la normale des choses. La fin du bug. I spent the night at the hospital. They did find some deficiencies but … nothing they couldn’t fix. Leukemia’s still at bay, which was … my main concern. Des nouvelles mitigées, en somme. Georgia était néanmoins sur la bonne voie - même si les examens les plus poussés n’avaient pas pu être conduits … I ended up taking the subway, by the way. Détail qu’elle glisse, puisqu’iels en avaient débattu la semaine précédente, et que la question risquait de revenir.
Otherwise, a pretty uneventful week. I tried to go back to the gym a little. Un moyen de s’occuper comme un autre, puisqu’elle ne cherchait pas à faire de réels efforts qui risqueraient de lui coûter le peu de santé qu’elle possédait.
Georgia enfonce les mains dans ses poches quand l’ascenseur termine sa course. Et si elle sort première de leur cage, elle attend Reyes et se cale sur son pas pour retrouver sa moto. What about you ? How you’ve been ? lui renvoie ses questions, ignore vaillamment celles auxquelles elle n’aimerait pas recevoir de réponse. Iel était parfaitement capable d’avoir fait un tour aux urgences, et d’y avoir dérobé des médicaments dans la foulée.
Non - Georgia préférait se concentrer sur la balade à venir, ne parvenant plus vraiment à cacher son impatience, la panique ayant fini par quitter son système. I’ll hold you - same as last time ?

We’re hardly on a rooftop, s’amuse enfin Georgia, alors qu’iels étaient littéralement seul.e.s dans une cage d’ascenseur. Sans témoins, sans même la technologie pernicieuse qui avait tendance à s’infiltrer partout. C’était sa façon de lui dire qu’elle comprenait, aussi, et qu’elle n’irait pas le crier sur les toits. Ne voyait pas pourquoi elle s’époumonerait à faire ça, de toute façon.
Pour provoquer un autre passage à l’hôpital, peut-être ? Ce serait une idée. Une qu’elle n’était pas pressée de tester, maintenant qu’elle en était sortie, et qu’elle n’avait pas besoin d’y retourner. Et il en faudrait plus que ça pour la convaincre d’aller vider leurs stocks de médocs pour les refiler à Reyes, même si l’idée de se retrouver avec une liste de courses la fait sourire. Georgia, bandit des hôpitaux. L’idée était parfaitement risible - et tout ce qu’elle gagnerait serait probablement un séjour en détention.

Lae brief rapidement sur son dernier séjour en date, sans rentrer dans des détails inutiles. En somme ; elle avait bien fait de se rendre au medcenter, elle en était ressortie rassurée, et équipée pour les prochains jours. Pas pour autant qu’elle pense mériter le titre de battante qu’iel lui donne. Georgia n’a pas fait grand-chose, tout au plus tente-t-elle de rester en vie. Et même pour ça, Reyes en avait fait beaucoup en la conduisant.
Le retour avait eu une autre saveur, coincée dans une rame de métro. I don’t fight … and yes, I got one after a few stops. La providence l’a guidé, dans des wagons qu’elle avait déjà vu plus encombrés encore. Là aussi, il était aisé d’imaginer que le bug ait changé les habitudes de certains passagers, même si les lignes de métro avaient été rétablies assez rapidement. Pas qu’elle s’en plaigne.

Iels retrouvent finalement le rez-de-chaussée, l’occasion pour Georgia d’inverser les rôles. S’intéresse aux états de Reyes - mental, physique, âme. Son honnêteté ne manque jamais de la surprendre, et d’un autre côté, c’est presque rassurant. C’est sans filtre, c’est réel, c’est tangible. Georgia n’aurait su placer le curseur de ses réponses, entre preuve de confiance et je-m’en-foutisme flagrant. Au moins iel avait l’air d’avoir eu une semaine remplie. Constat doux-amer. We live very different lives.
La musicienne aurait pu poser certaines questions - cette histoire de radio l’intriguait - mais comme iels venaient d’arriver à la moto, elle remit sa curiosité dans un coin de son esprit, pour plus tard. A la place, elle reporta son attention sur la balade à venir - et si elle pensait faire une virée similaire à celle de la semaine passée, elle se trompait déjà.
Son visage s’illumine à la mention des coms. Oh ! That’s so nice ! Way easier for a guided tour ! Aucune idée de si telle était l’intention de Reyes en installant ça, mais autant avoir les commentaires avec la visite. Georgia passe le casque sur sa tête alors qu’iel lui montre les poignées à l’arrière - et ça la scie en deux, un peu. L’accumulation de ces petits rien.
Le cou qu’elle offre, à sa demande. Ce sont les gestes qui comptent - la danse sécurisante de ses doigts contre son épiderme, l’éclat une vingtaine d’étages plus haut, ses regards nerveux dans les couloirs, le temps passé à modifier sa bécane.
Georgia attend qu’iel s’y installe pour venir faire de même, et de glisser ses mains dans les poignées pour s’assurer de leurs positions, de l’effort que ça lui demanderait de rester ainsi. Et elle attend que Reyes enfile son casque pour tester sa patience. Are these coms … connected to a random rooftop somewhere ? Elle n’avait pas besoin de le crier sur les toits pour lui transmettre sa gratitude.
Was it thirty minutes and a shitty download as well, for the handles and coms ? Si son sourire est caché par son casque, il s’entend probablement dans sa voix. Doucement, la passagère change de position et glisse ses bras autour de Reyes, comme la semaine précédente. Peut-être qu’elle serait brave, plus tard. I’m all set. Prête à découvrir la ville sous un nouvel angle. Prête à suivre.

Son nez se fronce, à la mention des travailleur.se.s du sexe. Pas qu’elle n’apprécie pas la blague ; ou qu’elle n’apprécie pas leur travail. Georgia les considérait un peu comme les Dolls de manière générale - sans doute utiles, mais elle préférait s’en passer. Non - Georgia fronçait le nez à la simple mention du sexe ; l’activité n’ayant jamais résidé très haut dans la liste de ses priorités, et depuis la chimio … c’était pire.
Renforçant ses propres paroles, en un sens. They live very different lives, et c’était plus intéressant comme ça. Iels se retrouvaient sur certains sujets - à partir du moment où iels parlaient de musique, des tours radios, ou des coms, Georgia était dans son élément - et s’éloignaient sur d’autres - clairement, elle n’aurait jamais assemblé des pièces sur une moto.

Elle s’esclaffe à sa réponse pour les toits, incertaine si Reyes avait vraiment compris le sens de sa question - ce qui était sans doute bien plus drôle que sa réponse en elle-même. Well, good. What I meant to say was, thank you, for the coms. Et elle aurait été assez effrayée de savoir que leur conversation puisse être projetée du haut des gratte-ciels.
Alors forcément, elle s’inquiète aussi du temps que ça lui a pris, d’installer tout ça pour une virée en moto. D’ailleurs, elle lui en était reconnaissante, car la visite de la ville serait sans doute bien plus intéressante avec les commentaires. La voix de Reyes est un peu distordue à travers les coms, et est bientôt assourdie par le bruit du moteur. Nah, it doesn’t really, avait simplement voulu l’embêter un peu, à la fois jalouse et admirative de la multitude de casquettes qu’iel était capable d’enfiler. And most people wouldn’t say mechanics are easy. Georgia, parmi tant d’autres. What do you like about it ?

Tout en maintenant la conversation, la malade tente de se repérer dans la ville. Pour le moment, c’était encore relativement aisé, puisqu’iels restaient dans les rues environnantes du building où elle résidait. Mais elle ne doutait pas que dans quelques minutes à peine, elle serait complètement perdue. A cause des différents hôtels où elle a vécu, elle connaissait Night City par bulles, par monceaux de rues, de paysages aux fenêtres et de stations de métro.
Visage en l’air, l’intérêt relatif des bâtiments qui les entourent est relégué au second plan quand le ballet des poissons se retrouve dans son champ de vision. Une danse lente, aérienne, hypnotique. Yes, they’re beautiful. A l’arrière de la moto, il lui semblait les voir pour la première fois - alors qu’ils étaient inratables. Après quelques secondes, elle mit le doigt sur ce qui lui paraissait … si différent. We can see them better without all the ads around them. Les pauvres carpes hologrammes noyées dans la pollution lumineuse - tout autant que leurs consoeurs sauvages s’asphyxiaient dans celle des océans.
La réflexion de Reyes sur le mémorial fait rire Georgia, et iel doit probablement le ressentir dans son dos, l’entendre dans ses coms. I don’t think I need the memorial to feel shitty. Etat permanent depuis des mois, depuis presque aussi longtemps qu’elle était arrivée dans cette ville. I know we’re still in the center, but the fish made me think … are there any beaches around here ? Or is it just … docks ? Or … the worst idea someone could ever have ? Est-ce que le béton, la crasse, le transport maritime avaient tout bouffé ? Est-ce qu’il restait un peu de sable ou bien les plages étaient-elles d’autres terrains minés ? Conflictuels ? Privatisés ?

Bientôt, les poissons ne furent qu’un éclat lumineux dans leur dos. Alright, first love : mechanic. What’s the last thing you fell in love with ?