Rien n'a changé depuis la dernière fois. Depuis vingt ans, le paysage miteux et désolé qui s'offre à toi est resté miteux et désolé. Fidèle à une carte postale que personne n'enverrait jamais parce que qui voudrait se vanter d'avoir visité pareil cimetière de la bonne ambiance ? Tu claques la porte - réflexe de mec pas content qui veut prouver qu'il l'est, et aussi, tactique pour faire sortir de potentiels locaux qui se cacheraient dans le champ de caravanes arrière.
T'attends un peu, fait traîner ta botte dans le sable. Rien. Que le bruit du vent qui brasse du sable. Qu'est-ce que t'en as bouffé du sable. Tu pensais pas y revenir. Tu traînes ta carcasse jusqu'à la caravane que tu reconnaîtrais entre toutes, et tu t'arrêtes peu avant, repérant une forme blanchâtre dans le sable qui attire ton attention.
Tu laisses ton sac de sport par terre, te penche pour écarter quelques grains de sable qui essaye visiblement de dissimuler quelque chose - une vision horrifique à tes yeux ? Non, pas vraiment. Tu as déjà vu la mort. Sous toutes ses formes, les plus gentilles et les plus privilégiées, et les plus dégueulasses. De toutes façons, même si c'était ta première vue de cadavre, tu aurais eu la même réaction.
No. Shit.
*Sans. Déconner.
Tu balayes encore un peu du bout des doigts le sable qui s'infiltre partout dans cette forme étrange que tu reconnais bien vite, avec deux trous béants à l'avant et une forme ronde sur le dessus. Tu n'es pas expert en criminologie, loin de là, mais tu sais reconnaître le sexe d'un squelette et estimer son âge. Et il ne t'en faudra pas plus pour garder ce sourire. Victorieux.
What is it they say ? Don't shit where you eat ? I'm pretty sure you're not supposed to die where you shit either. Fucking hell. You joined your own pile of shit. That is some class-A kind of irony there. The coyotes didnt even leave a iota out of you.
*Comment on dit déjà ? Chie pas où tu bouffes ? Je suis quasi sûr que t'es pas supposé mourir où tu chies non plus. Putain. T'as rejoint ton propre tas de merde. C'est de l'ironie de classe A ça. Les coyotes ont même pas laissé une miette de toi.
Le rire est nerveux, contagieux, fatigué, nécessaire. Tu ne lui accordes pas plus d'un regard, un dernier, tout en te redressant.
I wonder why she gave me to you. You didn't wanted me either. Was it punishment or lack of judgment ? Now both of you are DEAD. Eat shit and die, I'm remastering it : Eat sand for the rest of eternity and stay DEAD. Bitch.
J'me demande pourquoi c'est à toi qu'elle a choisi de me larguer. Tu me voulais pas non plus. Est-ce que c'était une punition ou un manque de jugement de sa part ? Maintenant, vous êtes toutes les deux MORTES. Mange de la merde et meurs, je le reformule : bouffe du sable pour le reste de l'éternité et reste MORTE. Pétasse.
Le grin s'en va, laisse place à une certaine amertume en rattrapant ton sac pour te diriger vers la caravane. Tu te moques mais tu vas p'têt crever au même endroit, alors ce serait con de te vanter pour le moment. Tu sais pas si c'est l'objectif en te pointant ici. Tu ouvres la porte d'un grand coup de pied, on sait jamais que l'autre soit encore là, assez bourré pour que ses oreilles soient plus fonctionnels. Mais personne. Juste du sable infiltré de partout. Un intérieur qui aurait besoin d'un rafraîchissement. Tu secoues la tête en indignation de la décoration.
Tout pue le vieux, le renfermé, tout est bourré de sable. Comme les pires sentiments, cette merde s'infiltre partout, ronge n'importe quoi. Ça t'énerve. Envie de te battre contre des phénomènes naturels comme l'érosion et les cailloux. Trop de rage en toi pour penser de la bonne façon. Tu te laisses tomber sur son putain de vieux fauteuil en pensant que tu vas te laisser pioncer là. Mais ce serait mal te connaître. Tu n'as plus rien, qu'elle te dirait.
No, I still have my rage.
Comme si elle t'avait appelé depuis sa "tombe", tu ressors en trombe pour te pencher sur le crâne qui sort un peu plus du sable maintenant que tu l'as déblayé. Fous un coup de pied rageur à côté pour l'enterrer à nouveau un peu.
I was SOMETHING. I was doing GREAT stuff. Not because of you, you are no ONE. But because of the stupid self-centered idiotic BITCH from space that gave me to you. Because I have HER genes. Oh, and apparently some other people do too hm ?? I have brothers and maybe sisters, and all that CRAP. I've never had a family, I had TWO godamnit, I could have had two sets of parents, one quarter functional so four makes an entire one, but NONE OF THEM ANSWERED THE FUCKING CALL WHEN I NEEDED THEM FOR FUCKS SAKE !
*J'étais QUELQU'UN. Je faisais des trucs BIENS. Pas grâce à toi, t'es PERSONNE. Mais parce que la stupide- égocentrique- imbécile PÉTASSE de l'espace m'a ramené à toi. Parce que j'ai SES gênes. Oh, et apparemment, d'autres les ont aussi ?? J'ai des frères et ptêt même des soeurs, et toute cette MERDE. J'ai jamais eu de famille, j'en avais DEUX en fait putain, j'aurais pu avoir deux sets de parents, un quart de fonctionnel chacun pour faire un entier, mais AUCUN D'EUX A RÉPONDU À L'APPEL QUAND J'AVAIS BESOIN D'EUX PUTAIN DE MERDE !
Tu t's mis à crier, et seul le sable brassé par le vent te répond. Mais tu continues, ignorant au mieux les larmes qui se forment au coin de tes yeux. C'est facile de le faire, il n'y a personne aux trente kilomètres ici pour les voir. L'ego n'a plus d'impact sans public, tu peux hurler à la mort tout ce que tu ne pourras jamais dire à celleux qui auraient du entendre tout ça.
I MADE myself, okay ?? I founded a gang, so okaaaaay that wasn't the brightest shit at seventeen, BUT I DID IT. ME. Then I went on when everything was lost, AGAIN, maybe your fault for that pattern uh, and I found a JOB. A job that I CARE ABOUT. A job where I was IMPORTANT. They gave it to me, ME, even though I went bat-shit cyberpsycho style crazy years before. I came BACK from that, ON MY OWN, nobody did it FOR ME. And I went ON. And ON. I found- someone. Who likes me, ME. Liked me-
*Je me suis FAIT moi-même ok ?? J'ai fondé un gang, oui, okaaaay, c'était pas l'idée la plus brillante à 17 piges, MAIS JE L'AI FAIT. MOI. Et après, j'ai continué, même quand tout était perdu, À NOUVEAU - peut-être ta faute uh - et j'ai trouvé un JOB. Un job DONT J'AI QUELQUE CHOSE À FOUTRE. Un job où j'étais IMPORTANT. Ils me l'ont donné à moi, MOI, même si j'ai tourné complètement marteau cyberpsycho des années avant. Je suis REVENU de ça, TOUT SEUL, personne l'a fait POUR MOI. Et j'ai CONTINUÉ. ENCORE. ET ENCORE. J'ai trouvé- quelqu'un. Qui m'apprécie, MOI. M'appréciait-
Les larmes coulent brutalement désormais, feront craqueler ta peau sèche plus tard - c'est que tu t'es pas arraché le visage pendant la cyberpsychose, cette peau-là est encore réelle, imparfaite. Et elle fait mal, comme tout le reste, ce qui est faux, ce qui est vrai. Tu ploies des genoux qui ne sont qu'à moitié tiens, sent le sable contre la peau dans les trous de ton jean. Dépité, vaincu, éreinté.
Why doesn't it work ? I'm doing every- EVERYTHING. I wasn't perfect but nobody is- right ? Nobody. I was trying- so hard.
*Pourquoi ça marche pas ? Je fais tout- TOUT CE QUE JE PEUX. Je suis pas parfait mais personne l'est- nan ? Personne. J'ai essayé si fort-
Tu craques un moment, geint comme un enfant qui viendrait de naître, découvre l'affreux monde avec ses yeux nouveaux, a une vision d'horreur et hurle parce qu'il veut revenir d'où il est sorti.
Now it's over. And I'm sure you're taking pleasure in watching me fail uh ? Why did you take me, seriously ? You wanted a bigger failure to see everyday to feel better about yourself ? I'm not- I'm not you. I will never be. I may not have a funeral, nobody threw you one but COYOTES, but me, I've done stuff. I'm not- nothing.
*Maintenant c'est fini. Et je suis sûre que tu prends ton pied à me regarder échouer hein ? Pourquoi tu m'as adopté sérieusement ? Tu voulais une plus grosse erreur à regarder tous les jours pour te sentir mieux ? Je suis pas- J'suis pas toi. Je le serais jamais. J'aurais ptêt pas de funérailles non plus, personne t'en a préparé un sauf les COYOTES, mais moi, j'ai fait des trucs. Je suis pas- rien.
Le mot rien résonne, sonne amer contre la langue. Difficile de s'en convaincre en chutant d'un poste d'astrophysicien dans lequel tu excellais. D'être plus rien, plus important, plus protégé. Rejeté par les pourritures de ce monde, celles qui ont une marque déposée, ça fait mal, même si c'est eux.
I wasn't- nothing.
J'étais pas- rien.
Mais maintenant ? C'est dur de s'en convaincre. Il te reste rien. Sinon que ta rage, qui s'effrite au fur et à mesure qu'il n'y a personne sur qui crier. Personne à qui en vouloir sinon que toi. Tu te mords les lèvres durement, essaye de te ramener à la réalité. Tu cries sur un crâne dans le désert.
I don't need your approval or your disappointment. It doesn't count from people who did nothing with their pathetic miserable excuse of a life. Have you seen this world from a high, from another perspective ? No, no you didn't and you're not. 'Cause you are rotting down there in HELL. And I went far too high to ever dig that low.
*J'ai pas besoin de ton approbation ou de ta déception. Ça compte pas de la part des gens qui ont rien fait de leur pathétique misérable existence. T'as vu la Terre d'en haut, d'une autre perspective ? Non, non tu l'as pas vu et tu la vois pas. Parce que tu pourris en bas, EN ENFER. Et j'ai été bien trop haut pour finir à creuser aussi profond.
Tu te lèves, le venin encore sur le bout de la langue. Refous un coup de bottine dans le sable pour la refaire disparaître, retourne vers la caravane. Te jure des tas de choses qui n'ont aucun sens, parce que tu ne finiras pas dans ce désert à la con, bouffé par des coyotes. C'est pas un instinct, c'est pas une motivation, pas une mission ou un objectif. C'est juste l'ego qui parle. Tu te refuses à être un amalgame de matières organiques et de sels minéraux qui a servi au dernier repas d'un imbécile animal qui a sûrement pisser dessus avant d'y planter les crocs.
Qu'ils aillent tous se faire foutre.
you can't play god without being acquainted for the devil
Stronger - SIERRA