Sophie partie, silence de nouveau dans l'atelier, avec pour seule distraction, le bruit distinctif de ton stylo qui tapote doucement la tablette graphique que tu tiens entre tes mains, traversant en long et en large la grande pièce principale où tout est situé. Une grande table en son centre, avec des chute de tissu par ci par là, des sacs qui en contiennent d'autre juste en dessous, un canapé un peu plus loin avec cette grande télé achetée pour les jours où ton inspiration te vient bien plus rapidement avec le gazouillis d'émissions. Plusieurs mannequins avec des pièces presque terminées, des racks par ci par là avec des pièces finies, tes machines à coudre dans un autre coin, un stock impressionnant de carnets trainant sur un autre bureau.

Une chiée de matériel en tout genre qui traîne un peu partout, là où tu sais que tu les retrouveras. Une autre portion de ton atelier, divisée par un panneau en métal, menant à l'entrée et à une espèce de showroom où tu  prends généralement les quelques consultations que tu peux avoir. Ce n'est pas très grand, dans les faits, mais ça te suffit largement pour ce que tu en fais. Une autre porte donne sur un stockage en arrière, où d'autres racks sont disposés. Mais pour l'instant, maintenant que Sophie est partie, tu peux t'accorder un instant pour travailler sur les pièces qui sont destinées au cercle. Plusieurs housses, différentes de celles pour Dominion, qui sont désormais alignées sur un autre rack.

La tablette laissée sur la table centrale, tu en ouvres une ou deux pour observer ce qu'il te reste à faire dessus, sachant qu'il ne te reste pas grand chose si ce n'est quelques finitions, et apposer le message à transmettre, celui validé en amont par le reste du cercle. C'est toi le messager, c'est toi qui distribue les bonnes et les mauvaises nouvelles, les opérations et les secrets anarchistes qui sont soufflés de lèvres en lèvres comme un chemin de poudre. Une manière comme une autre de contribuer à ce renversement voulu de cette société mal foutue.

Tu allais pour t'installer à ton bureau, préparer l'encre nécessaire et les fils particuliers que tu allais utilisé quand le moniteur juste au-dessus de ton bureau t'annonce l'arrivée de quelqu'un à l'entrée avant même que la sonnette ne résonne. Fronçant les sourcils, tu vois rapidement le visage de Sophie, ce qui est plutôt curieux considérant qu'elle a quitté l'atelier il n'y a même pas une heure, tout au plus - la notion du temps est perdue quand tu travailles. Réajustant ta veste sur tes épaules, tu quittes l'espace de travail de ton atelier pour rejoindre l'entrée, appuyant ton pouce sur le tableau tactile de l'entrée pour en déverrouiller l'accès.



Il ne te faut qu'un regard en sa direction pour remarquer que la jeune femme n'est pas tout à fait dans son état normal. Dans un mouvement du corps, tu te décales pour la laisser rentrer, la main l'intimant à rentrer avant de fermer la porte.



Sourcils froncés, la dirigeant directement en direction du showroom où tu sais qu'elle pourra s'asseoir sur l'un des sièges qui sont disposés à côté de la cabine mais aussi d'un autre bureau - et une petite station de thé, café, champagne. Night City est une ville aux vices, aux malheurs qui n'arrivent jamais seuls. Tu ne serais pas surpris que quelque chose lui soit arrivé.

En réalité, tu ne t'attendais à voir personne, du tout. Le reste de ta journée était libre à tes propres occupations, et probablement du surplus d'heures sur les pièces qui demandaient ton attention. C'était souvent le cas, lors de tes jours de congés, quand tu n'avais pas de plans précis avec qui que ce soit le reste de la journée, ce qui était certainement le cas aujourd'hui. Profiter d'un peu de calme, peut-être d'un soupçon de musique trop forte pour tes oreilles pendant que tu révisais les pièces pour le Cercle, que tu t'attelais à tes commandes pour les Moxes, ou que tu repassais une énième fois sur le bomber presque fini que tu comptais offrir à Jude.

Alors revoir Sophie au pied de ta porte était réellement une surprise, elle qui venait de partir, satisfaite de la pièce qu'elle avait acquise pour sa mère. Touché par l'attention que la jeune demoiselle voulait faire à sa mère, sachant que cette dernière ne pensait pas tant à elle. Ça te rappelait le kimono que tu avais prévu d'offrir à ta propre mère pour son anniversaire, avec les couleurs et les motifs qu'elle appréciait le plus. Il fallait vraiment que tu prennes le temps de te remettre dessus sérieusement pour le finir à temps. Il n'y avait pas le feu, certes, mais tu savais que plus tu reculais l'échéance de peur de louper le coche, tu allais finir par louper la date à pas grand chose.

Et ce serait con.

Dans tous les cas, tu laisses Sophie rentrer, les sourcils froncés en ne comprenant pas vraiment encore pourquoi elle est de retour chez toi. Entendant qu'elle non plus, n'avait pas prévu de repasser si vite, tes sourcils se détendent légèrement alors que vous vous retrouver dans le showroom. Un soupir passe tes lèvres, évidemment. Pourtant, Westbrook était un quartier plus safe que le reste des quartiers de Night City - à part peut-être City Center, mais ça ne te surprenait pas que ça se soit produit quand même. Tout était possible dans cette ville de malheur, et ça te crevait le coeur que ce soit arrivé à Sophie.

La jeune femme était plus qu'une douceur dans cette ville de brut, et tu lui devais beaucoup, malgré tout. Elle avait été une des infirmières à prendre le temps avec toi, quand tu boudais tout le monde en bloc à l'hôpital. Elle avait suivit ton rétablissement avec une douceur que beaucoup avait jugés inutile d'avoir. Qu'elle se retrouve dans ce genre de situations te laissait avec une certaine amertume sur les lèvres.



Mais tu n'avais pas de rendez-vous prévu, pas aujourd'hui en tout cas, et tu avais donc suffisamment de temps à accorder à Sophie.



Sourire qui se veut rassurant sur les lèvres alors que tu t'assoies sur le rebord de ton bureau, les bras croisés sur ton torse, observant la jeune femme qui semblait encore particulièrement chamboulée par ce qui venait de lui arriver - légitimement.



Sincèrement, parce que c'était vraiment le genre de chose qui craignait à Night City, et la hauteur du cadeau, l'intention derrière ce dernier était particulièrement louable, terriblement douce. Une que tu pouvais comprendre et entendre avec aisance.



Tu ne te voyais pas lui faire payer à nouveau la pièce. Même si tes pièces étaient loin d'être aussi chères que ce que tu pouvais vendre en travaillant pour Night Corp, tu voulais lui faire ce cadeau là. Elle n'y était pour rien, dans la perte de cette dernière, tu le devinais bien à sa tenue, cette posture dépitée et fatiguée. Tu n'allais pas lui rajouter un poids supplémentaire.

La question de Sophie te surprends, comme si tu allais la foutre dehors après ce qu'il venait de lui arriver ? Ça ne te viendrait même pas à l'esprit, pas après ça. Tout le monde n'était pas aussi habitué à la violence de Night City et même en l'étant, tu n'étais pas sûr que tu te sentirais capable de continuer une journée comme si tout allait bien si tu étais celui à te faire agresser. Ce n'était pas si simple. Rien n'était jamais aussi simple, surtout dans une ville comme celle ci. C'est pour quoi tu balances ta tête à droit et à gauche, les sourcils légèrement froncés.



Aucune des pièces sur lesquelles tu travaillais ne nécessitait ton retour immédiat, et tu n'avais absolument aucune commande urgente - faute à beaucoup de temps devant toi dernièrement. La dernière collection de printemps bouclé, tu te retrouvais avec plus de temps entre tes mains pour ta propre marque, temps d'arrêt qui te permettait de respirer avec bien plus d'aisance sur tes autres projets.



La loi de Murphy, qu'elle mentionne. Une sale loi, en réalité, et surtout, loin d'être une science infuse. Tu n'y croyais pas vraiment, dans les faits, à cette loi là. Tes croyances étaient multiples, diverses, variées, mais la loi de Murphy te semblait être véritablement le bullshit par excellence pour excuser un comportement de merde qui traînait à tous les coins de rue, à Night City. C'était pas suffisant, pour toi. Mais au vu de l'état de Sophie, tu te doutes largement que ce n'est clairement pas l'heure pour un quelconque débat sur le sujet, pas quand elle a toujours l'air bouleversée par ce qu'il lui arrive - et à raison.

Tu l'écoutes, d'une oreille attentive, tandis que tu te diriges vers la station. Si Sophie ne veut rien, tu en profites tout de même pour commencer à te préparer ton habituel chocolat chaud avec une dose de sucre qui défriserait plus d'un médecin sur ton taux de sucre dans le sang. Bah, tu t'en fiches. Tu feras attention quand tu seras mort.



Rien qui ne peut pas être remis à quelques heures plus tard si besoin. Le cercle n'avait pas besoin de ces pièces dans l'immédiat, tu pouvais bien les mettre en stand by pour quelques dizaines de minutes supplémentaires avant de pouvoir t'occuper de ces dernières. Tu reviens sur ce qu'elle t'a dit juste avant, sur le fait d'absolument vouloir payer, quand bien même tu as proposé de lui offrir, sans que ça te fasse un trou dans ton budget.



Ce n'est pas comme si elle te demandait une tenue complète ou même quelque chose avec des tissus ou des matériaux hors de prix. C'était Sophie, tu la connaissais.



Les épaules haussées, alors que tu rajoutes tes quelques marshmallows dans ton chocolat chaud, parce qu'il n'y a jamais trop de sucre. Tu reviens t'installer en face d'elle, les fesses contre ton bureau.

Sophie était une personne de ton passé, et pour bien des raisons, tu aurais pu vouloir qu'elle reste là bas, mais ce n'était absolument pas le cas. Elle était, malgré tout, attachée à cette période de ta vie qui ne cessait de revenir parfois en trombe dans ton esprit, comme un phénomène de membre fantôme. Mais elle était différente, elle n'était pas un membre fantôme, absolument pas, elle avait été cette présence rassurante que tu avais réussi à avoir pendant ces heures sombres, à l'hôpital, quand tu ne tenais qu'à un mince fil.

Tu lui devais beaucoup, à Sophie.
C'était une des raisons du pourquoi il était plus que légitime et normal de ta part que de lui laisser de temps de reprendre et retrouver ses esprits après ce qui venait de lui arriver. Il était juste normal de lui laisser ce temps, de ce temps mort, ce temps plus doux. Et tu pouvais le voir quel point elle était tendue et anxieuse, son corps ne laissant rien n'échapper, et selon toi, c'était plus que normal. Tu sais qu'elle essaye d'être légère, mais tu peux comprendre qu'elle ne le soit pas, raison pour laquelle tu ne forces pas et va dans son sens comme pour l'aider à se détendre aussi. Elle est en sécurité ici.



Populaire auprès des médias et des tabloïds, moins excessifs que dans le passé, mais toujours sous le feux de leurs appareils, brutalisé par leurs flashs. Tu étais habitué sans vraiment l'être, cette popularité qui garantissait un héritage morcelé par rapport à ce que tu voulais vraiment offrir. Tu avais fait le deuil de pouvoir contrôler ton futur et ce que tu laisserais de toi. Tu avais fait le deuil de pouvoir être ce que tu voulais sans avoir une pression médiatique quelconque.

Pour autant, tu t'éloignes du sujet qui a cette tendance à t'angoisse plus de raison pour attirer un nouveau sourire en direction de Sophie, plus doux, plus calme. Si elle insiste autant, tu ne vas pas te battre éternellement pour. C'est son choix, et tu lui fais vraiment confiance pour qu'elle sache qu'elle en a les moyens, mais ça ne t'empêche pas d'être quand même un peu curieux quant à cette insistance. Pour autant, tu échappes un léger rire.



Conscient qu'il s'agissait là encore d'une esquive pour lui éviter de payer la double somme quand elle n'avait reçu qu'un seul article, mais la sincérité était présente. Tu n'avais jamais eu l'occasion de la remercier pour ce qu'elle avait fait quand tu étais au trente-sixième dessous, face à un gouffre trop profond pour ne pas t'y laisser tenter. Tu ne savais pas où tu en serais sans son aide.



Les délais sont importants pour ta clientèle, pour satisfaire aux exigences d'une corporation pour laquelle tu n'as qu'une allégeance surfaite et faussement réelle. Ce n'est pas par choix. Mais ton amour de ton métier, lui, est un choix, et c'est ce qui t'anime le plus souvent dans le fait de te rendre efficace et rapide, tout en étant précautionneux des détails, des petites choses qui rendaient une pièce unique en son genre. Ton regard retombe sur elle quand elle mentionne Jazz à nouveau, un petit froncement de sourcils sur ton visage.



Tu extrapoles peut-être, mais c'est ce que tu ressens de ses mots, ce que tu arrives à analyser, à extraire de ses paroles, de la tonalité de sa voix.