fin d'intimité¹⁰, métaphore de manque/addiction/drogué, ouais fin' Reed avait a priori pas la dent sucrée et pourtant les madeleines... ok j'arrête
i'd give you
the world, take it all from me
Tu ne te souviens pas avoir été aussi léger. Jamais. On dit que le temps fait son ouvrage, qu'il altère les souvenirs, les bons comme les mauvais, mais tu es de ceux qui se marquent au fer rouge des joies et des peines, et tu te souviendrais d'une allégresse pareille. Quand il s'appuie contre toi, ce n'est pas un poids, au contraire, c'est comme si ça te soulageait la poitrine, comme si sa présence contre apaisait directement ton cœur.
Tu ne te souviens pas non plus d'un jour t'être senti autant à ta place. Celui qui laisse toujours les autres passer avant lui, celui qui comprime ses désirs en une petite boule de papier chiffonnée qu'il balance à la corbeille quand tout le monde a le dos tourné, pour que personne ne le remarque. Celui qui se demande constamment s'il est de trop, s'il a mal fait. Qui a le sentiment ici, qu'il ne devrait être nulle part ailleurs que là. C'est où là ? Ça n'a rien à voir avec la voiture, avec les Badlands, avec ce putain de pays même.
Là, c'est contre Reed. Assez proche pour percevoir son pouls, son cœur, dans sa main, la tienne qu'il serre si fort avec, assez proche pour sentir son odeur, assez proche pour sentir la chaleur résiduelle de sa peau des actes passés. Tu avais toujours été proche de Reed, quelque part. Celui qui n'avait pas peur des moments où ça pétait, que ce soit sous la forme d'un orage ou d'un nuage de pluie, que ce soit quand un Sonoran avait profondément merdé et qu'il l'apprenait, ou quand il s'était égaré jusqu'au trailer vide mais encombré de Davy.
Ses yeux viennent trouver les tiens, et tu sais que cette proximité, elle n'a pas de retour arrière possible. Vous êtes accrochés, c'est littéral, mais pas que - et tu ne saurais décrire combien cela t'apaise. Les promesses que tu lis dans ses iris bruns, celles qui se cachaient sous chaque mouvement juste avant, celles qui se murmurent encore dans ce moment que vous partagez.
Quand il t'avoue son émotion, au fond de tes prunelles, tu es à peine déstabilisé - et toi-même, tu t'étonnes, de cette stabilité dont tu es capable, quasiment inébranlable, alors que cette version de Reed te touche si facilement. Peut-être parce que tu n'en démords pas, de cette promesse que toi tu lui fais ; qu'il peut être comme ça avec toi, qu'il est en sécurité, que tu seras toujours là pour le rattraper, en témoigne ta poitrine au cœur qui bat encore un peu la chamade, et qui retient sa tête sans aucune difficulté.
Mais son regard qui revient pour les mots suivants, là, ça te fait perdre ton équilibre.
You make me feel so fucking good.
Une légère surprise dans les prunelles, à peine, au milieu d'une émotion si grande que pour une fois, c'est toi qui te fait submerger. Le sourire que tu lui rends, qu'il provoque avec le sien est d'une sincérité à toute épreuve, témoignent de sentiments qui sont si tangibles qu'ils deviennent faits. Un instant d'humidité à peine plus prononcé sur le coin de tes yeux, mais pas de larmes, juste ta main libre qui vient caresser du bout des phalanges sa joue, tandis que l'autre serre la sienne avec cette force tremblante, sereine, heureuse, mais pas moins ébranlée. Un sourire prêt à muter en rire qui se retient, dans la douceur de l'instant.
And what am I supposed to say if you take my words from my mouth ?
Et comme un imbécile gêné, tu détournes les yeux juste pour poser ton visage dans ses cheveux, te complaire dans la douceur de ses mèches qui chatouillent tes joues, que tu pourrais presque sentir picoter de chaleur. Tu pourrais te demander si c'est bien ça, d'être amoureux comme un adolescent qui découvre le sentiment, mais ce dernier te submerge tellement que ça ne te vient même pas à l'idée.
Instinctivement, ton pouce vient tracer des cercles sur le dos de sa main alors que tu inspires doucement, encore enivré par son odeur, sa proximité. Même pas capable de faire marcher le stratégiste pour s'inquiéter du fait que ce moment devra prendre fin, comme toutes les bonnes choses. Non, ça te caresse même pas l'esprit. Il n'y a que tes lèvres qui viennent caresser le sien, sous des baisers sur le haut de sa tête, doux, lents, tranquilles, soupesant la fragilité de l'instant. Et à un dernier, tu hésites, tu inspires encore, avant de souffler les trois mots qui tournent en boucle dans ta tête, tout contre lui, sans un son.
Encore une inspiration, comme si tu avais soulagé ton cœur de ces trois mots qui y sont constamment quand il est concerné. Des mots dont tu n'avais pas même conscience, il y a encore un mois et quelques. Des mots qui te manquent aujourd'hui - oui, toi, celui qui parle trop, tout le temps, les trouvent toujours, en toutes circonstances. Là, il n'y a qu'un sentiment qui prime, un qu'il sait déjà, sans aucun doute. Mais que tu as besoin de verbaliser, calmement, doucement, en relevant ton visage légèrement, ton menton toujours appuyé contre sa tête - pas envie de s'éloigner plus que ça.
I'm so glad, you cannot even begin to imagine.
Et ça n'a rien d'une compétition ou d'une exclusion de tes pensées, non. C'est juste une façon de verbaliser l'intensité des choses, de ce que tu ressens, tout ce que tu lui dois et tout ce qui t'est cher, le concernant. Tellement de choses qui rentre dans ces petits mots, cette phrase si légère, si courte, et pourtant, lourde de sens, prête à craquer sous le nombre de trucs que tu cales dedans. Que ça remonte à ce sauvetage d'il y a douze ans, tous les moments entre, et tout ce qui est plus immédiat, comme ce sentiment, cette légèreté et à la fois, cette confiance, celle qu'il t'accorde, qui pourrait paraître fardeau mais n'est qu'un cadeau dans tes yeux. Pouvoir être un refuge, pouvoir lui permettre de te dire ces choses.
Lui arracher ces sourires.
So fucking glad.
Que tu as répété plus pensivement, le regard parti si loin, alors que tes doigts se sont resserrés autour des siens, comme ils l'ont fait ce jour-là, quand il t'a ramassé après sa démonstration de force en te sortant de la caravane par le col. Le souvenir t'arrache un sourire aussi, alors que ta main libre passe derrière ton oreille, une brève seconde - geste devenu mécanique. Un petit souffle dans un sourire, que tu viens échouer dans ses cheveux, encore, avec ton visage, avec les deux larmes qui se sont laissées échappé malgré ton sourire, ta joie, malgré toi, malgré tout.
Zacarias ft. Reed
you're like sunshine after rain
when the sky's a perfect shade of blue
you know home's not just a place
but that place is you