Les jambes tendues avec les pieds sur la tableau de bord de l'engin nomade, tu as les yeux rivés sur le fond du sachet de papier dans tes mains, et tu attrapes encore une ou deux frites avant de lâcher le paquet sur Reed sans lui demander son avis.

Here, termina. It's only the crispy-almost-burned-fries you prefer. Tiens, finis. Il reste que les croustillantes-trop-cuites-presque-brûlées que tu préfères. Tu les aimes beaucoup aussi, les frites de fond de paquet qui croustillent, mais tu aimes Reed encore plus. I gotta start this before they get here. Je dois lancer ce machin avant qu'ils arrivent.

Le machin - c'est le gros appareil bizarre sur tes cuisses, qui ressemble à une radio en plus gros et en deux fois moins intuitif et pratique. C'est tout simplement votre gadget fabuleux made in Jude qui envoie une onde électromagnétique à un récepteur qui active une décharge IEM qui va dire à vos invités de s'arrêter. En fait, c'est une boîte à tour de magie. C'est comme ça qu'il te l'avait décrite quand tu avais voulu comprendre plus et qu'il avait abandonné au milieu de son explication. Aucune patience ce netrunner, pffh.

Tu joues avec les boutons comme il t'a montré, c'est pas si loin de vos techniques habituelles - fallait bien improviser quand le réseau s'est fait la malle. Tu relèves ton bras, regarde ta montre.

ETA, ten minutes-ish. Meaning I still have time for one. ETA, dix minutes à peu près. C'qui veut dire que j'ai encore le temps pour une.

Tu sors le paquet de ta veste, prend une cigarette, l'allume rapidement au coin de ton bec, avant de tendre la petite boîte en carton souple à Reed, sans avoir besoin de le regarder, toujours concentré sur ta machine avec tes deux yeux et ton autre main - vérifiant que les petits symboles voulus s'affichent, que ceux qui doivent clignoter clignotent. Malgré le côté détendu de cette opération qui ne devrait vraiment rien avoir de compliqué, surtout en la compagnie de Reed, tu es fidèle à toi-même : généreux dans les frites et les clopes, concentré, prêt à donner ton maximum, comme toujours. Tu ne laisses pas la saveur spéciale qu'ont ses missions maintenant - à savoir, de l'extra temps rien qu'avec lui - te retirer ton sérieux. Juste t'arracher un sourire plus facile à obtenir.

Surpris une seconde par ta clope retirée, la frite entre tes lèvres - tu ne t'offenses pas, tu ne l'aurais pas fait avant non plus, tu souris juste comme un imbécile au move, ce genre de petites choses puériles mais pleines de bonnes intentions, que Reed se permet de plus en plus.

L'attention retirée de la machine la seconde d'après alors que tu as essayé de revenir dessus, à entendre le moteur de ta nouvelle voiture rugir sous l'impulsion du lieutenant. Tu penches la tête sur le côté, petite moue faussement désapprobatrice.

You could have just asked to drive instead of making it a strategic stravaganza. I would've let you play with my new toy. T'aurais juste pu demander de conduire au lieu de prétendre à une stravaganza de stratégie. Je t'aurais laissé jouer avec mon nouveau jouet tu sais.

Parce qu'avec toi, il n'y avait rien de plus simple qu'une question. Oui, tu pouvais interpréter les signaux, de fumée comme ceux des humains, plus complexes et étriqués, mais... Avec toi, toute question était valide. Tu répondrais toujours avec cette honnêteté qui te caractérisait plus que tout autre chose. Tu reposes tes pieds au plancher plutôt que sur le tableau de bord, redresse ton siège, pour t'installer légèrement mieux, au cas où il démarre.

Go for it, make circles if you wanna. As long as we stay close to the receiver. They won't know it's nomads anyway with that car, they'll just think it's kids playing like eejit's. Vas-y, va faire des cercles dans l'sable si tu veux. Tant qu'on reste près du récepteur. Ils vont pas penser que c'est des nomades de toutes façons avec cette caisse, juste des gamins qui jouent comme des imbéciles. Tu lu lances un sourire provocateur, avant de reposer tes yeux sur la machine avec cette face qui dit que tu n'as pas fini ta phrase, que la connerie arrive pour la ponctuer. Which is, well, not far from the truth. Huh estupido ? Ce qui n'est, pas si loin de la vérité. Hein petit con ?

Reed était un gamin - 80 ans ou pas, c'était un fait établi. Mais ce n'était pas un gamin dans les moments critiques, le genre de mec au QI d'ado prépubère mal luné qui prenait des décisions dégueulasses. Il avait de la pratique, de l'expérience, et surtout, une capacité à garder son calme même dans les pires situations. Oui, il pouvait l'extérioriser de manière terrifiante, il pouvait péter un câble. Mais le gamin, le vrai, il ne sortait que dans des espaces sécuritaires, se permettant des enfantillages qui ne feraient de mal à personne. Se contenteraient d'arracher un discret sourire à ton visage, content de le voir s'amuser autant.

Et tu lui cassais pas son délire, amusé à le regarder faire, les yeux rivés sur lui, une main qui caressait pensivement ton menton. Tu es tellement happé par le moment, que tu as oublié depuis un moment ta précédente peur des habitacles de voiture.

You want me to leave the two of you alone ? I feel like I'm third wheeling in your relationship with that four wheels. Tu veux que je vous laisse un peu de temps à deux ? J'ai l'impression de tenir la chandelle dans ta relation avec cette quatre roues.

Un sourcil haussé en lâchant ta connerie avec un sérieux complètement factice, avant de jurer en regardant par la fenêtre une seconde.

Jesús. Mon dieu.

Ton attention revient à lui, alors que tu tends ta main pour lui voler la clope qu'il avait entre ses lèvres sans te gêner - après tout, il te l'a chipé en premier. Le sourire discret alors que tu tires une bouffée.

As long as you don't name her... Tant que tu lui donnes pas de surnom...

T'ouvres grand les yeux, à sa réponse, pis tu plisses les paupières, faussement offensé, un bon gros "Ahah very funny" bien plaqué sur ton visage. Tu lèves les yeux au ciel à la mention de Mary quand t'étais même pas né - c'est vrai, on ne tape pas sur la moto de Reed.

Quand il te demande un briquet, la réponse te vient naturellement, avec ce petit ton sarcastique bien fier de lui en caler une - mais le visage impassible.

I don't have a light for people who wants to kick me out of my own car to have a moment with it alone. J'ai pas de briquet pour les gens qui veulent me jarter de ma propre caisse pour avoir un moment tout seul avec.

Tu hésites une seconde, avant de sourire légèrement, une bribe, une seconde.

C'mere. Viens là.

Que tu finis par lâcher doucement, pour qu'il se tourne vers toi, assez pour que tu te penches vers lui, les doigts autour de ta propre cigarette, touchant la sienne du bout, tirant sur la tienne pour que les braises s'allument, enflamment l'extrémité de son propre tube de papier. Ça ne prend que quelques secondes, après lesquelles tu relèves les yeux - pas certain que tu as fait ça exprès ou sans y réfléchir, te demandant si tu es réellement surpris de la soudaine proximité de ses yeux.

Il est beau Reed - encore plus de près.

Tes yeux retrouvent une confiance que tu tires de tu ne sais pas où, ton visage un peu plus sérieux, tes doigts qui restent sur la cigarette. Une inspiration alors que tu la retires à peine de tes lèvres, juste quelques dizaines de centimètres - qu'elle dégage d'entre vos visages.

Quiere algo mas, Reed ? You want anything else, Reed ?

Soufflé calmement, dans un espagnol des plus basiques que tu sais qu'il comprend et qu'il apprécie - la voix plus basse, mais avec cette assurance que tu ne te connaissais pas, qui a du se déverrouiller depuis que certains termes ont été mis entre vous, depuis que certaines limites sont plus claires.

Toi, tu sais ce que tu veux - et tu sais que tu peux accepter n'importe quelle réponse.

Comme vous vous l'étiez dit pendant cette fameuse conversation, la clé était relativement simple : you just have to ask.