Y a d’ces scènes qu’on vit dans l’présent, et qu’on sait déjà d’avance qu’on oubliera jamais.L’cracheur en continuité d’mon bras, ses reflets violets dans la pupille qui s’dilate. J’capte chaque nuance éteinte. J’me contracte. J’me rétracte. J’refuse cette réalité. Mais l’truc, c’est qu’j’peux pas faire marche arrière. Ouais, ça je l’sais. Mais y reste un espoir qu’ce soit pas vrai. Que l’cowboy croulant s’paie ma tête. Qu’il malmène mes points faibles, histoire d’rentrer en pleine santé, l’cœur battant assez pour qu’le corps réchauffe l’bout d’tôle qui lui sert d’pieux, ou l'drap délavé qui lui sert l’répit nécessaire pour l'passage d'la prochaine tempête.
Mais la prochaine tempête, elle gronde en moi.Alors, qu’le ciel n’a jamais été si stable. Même l’vent s’est éteint sous l’poids d’la rumeur. L’point central entre ses yeux, ma ligne de mire. L’flingue chargé à bloc. Pulsions dans l’chrome. Envie d’imploser. D’rayer les Badlands entiers d’la carte. D’faire sommeiller à tout jamais ces
yarô d’merde. Ces décâblés qu'ont pas su l'protéger. Qu'ont pas sur l'épargner.
Ouais, très envie d'tirer. Esclave de la colère. Enclin aux coups d'tonnerre. Mais dans ma tête, ça résonne vide. Ca cogne sévère. L'genre de folie qui s'joue d'mes peines pour tisser une douleur infinie. Et ça s'répète. Et ça s'répère. Et ça repète sans jamais qu'ça s'répare. Et j'me rappelle qu'les Badlands, c'était son territoire. Son défouloir. D'une immensité interdite au creux d'la ville. D'ces libertés qu'les artères d'Night City n'parviennent pas à offrir. Détruire c'qui reste de lui, ce serait l'détruire aussi.
Mais la colère, elle, n'sait s'adoucir.
Le hic, c’est qu’ma vue m’joue des tours. Et qu’j’y vois flou. J’me rends compte que j’chiale plus qu’il ne faut. Que j’reste pourtant une cible à abattre. Qu’le premier flingue entre nous vient d’lui. Et qu’il a tiré plus fort qu’n’importe quelle balle.
J’sens quelque chose.
D’abord dans l’bide. Un genre d’relent bizarre qui m’file l’envie d’vomir. Et pis ça r’monte, dans la poitrine. Ca résonne vide. D’puis quand j’ai pas r’ssenti un truc aussi puissant ? J’sais pas. Mais c’que j’peux dire, c’est qu’j’réalise qu’on s’y habitue jamais. Qu’ça fait toujours aussi mal aussi vite. Q’ce soit la première ou la centième. Cimetière d’étoiles dans ma tête, et mon espace s’obscurcit à mesure d’mes quêtes et d’mes périls.
« He who lives in the hearts of her loved ones, can never truly die. » Et d’ça, il a pas tord. Mais ça n'efface rien des griefs, rien d'la colère qui m'dévore. D'un revers, j'sèche les larmes. J'y vois plus clair, sauf qu'tout mon être se lie au mal.
« I'm sorry. » Ouais.
Ouais, moi aussi. J’voudrais lui dire, mais je peux pas. J’ai pas envie. J’sais pas comment. Mais avec moi, il était imbattable. Increvable. C’est pas possible. C’est pas possible. C'est impensable.Alors, j'résiste. L'canon du Liberty persiste.
Et ma voix s'casse.
Et ma voix s'brise.
« Urusai! ***la ferme!*** Comment vous avez pu faire ça? Comment vous avez pu l'laisser crever comme ça? Vous l'avez découvert... Vous l'avez laissé crever seul comme une merde aho? C'est ça la famille? C'est ça les nomades? » J’veux pas y croire.
« Je veux le voir. » Y a une époque.
« J'veux voir Davy. » Où j’aimais être seul.
« Montre-le moi. » J’aimais être seul. Mais j’aimais avoir quelqu’un avec qui l’être.
« Peu importe. Même si c’est au milieu d’ton camp d’merde et qu’j’dois en crever, kuso j'irai quand même. » Gosse indélébile, la semelle bat l'sable, lève la poussière. Nuage noir dans une nuit sans étoile. J'sens qu'mes pattes tremblent, craquèlent, mais j'tiens bon quand même.
Pour Davy, j'tiens bon.
Pour Davy, j'me bats. J'me bats, comme il s'est battu pour moi.